sombreur

opinion

Je retranscris, comme je m’en souviens, les propos qu’une collègue, pas celle dont je suis le plus proche, mais pas celle non plus dont je suis le plus éloigné, a tenus dimanche dernier.

On se crève le cul à bosser pour aller faire des courses qu’on va chier. Faut bien se faire plaisir de temps en temps !

Ce qui lui fait plaisir, à elle, dans ce contexte tout particulier de fin de journée, c’est l’alcool, et le sexe.

Je parlerai donc aujourd’hui dans cette entrée, du travail, de la relation de travail et de leur importance dans le système capitaliste.

Faut-il travailler ?

Au premier abord, cette question peut sembler tout à fait inappropriée. La réponse qui nous vient à l’esprit, du tac au tac, est oui, bien évidemment qu’il faut travailler. Est-ce qu’il faut se méfier des réponses qui viennent du tac au tac ? Oui, bien évidemment qu’il faut se méfier des réponses qui nous viennent du tac au tac.

Si on a intériorisé le fait de travailler, ce qui n’a rien, ni de près ni de loin, de naturel, c’est bien parce qu’il y a une nécessité sociale, soit fictive soit réelle, à travailler.

Quels emplois sous le capitalisme ?

C’est bien là la question philosophique qui me vient à l’esprit quand je réfléchis au travail à l’échelle macro : travailler, c’est produire une utilité sociale. Qui nous soignerait sans travailleurs, sans travailleuses, astreintes à leur poste, que ce soit à l’hôpital ou en libéral ? Il y a donc bien une nécessité, à l’échelle macro, à travailler, puisque tous les êtres humains sont interdépendants. Si je travaille par exemple chez Carrefour, je permets à celles et ceux qui travaillent à l’hôpital de venir acheter à manger. Et quand j’aurai des problèmes de santé, j’irai à l’hôpital. Tout ça semble couler de source : chacun à sa place, pour une société fonctionnelle.

Le problème n’est pas vraiment là : il est dans la tendance générale à la création d’emplois, de commerces, de concepts, etc, qui n’ont de but qu’en soi. Le développement d’une offre ultra variée, gadget voire inutile, vient contrebalancer l’argument de l’utilité sociale du travail. Il y a même le développement des dumb jobs, qui sont encore plus débiles que les autres puisqu’on leur a carrément donné un nom. Et ça n’est pas un journal anarchiste qui en a parlé en ces termes, mais des médias mainstream. Ces jobs n’ont littéralement aucune autre utilité que perpétuer le système. C’est le cas de beaucoup de boîtes de conseil, qui se font de l’argent en conseillant d’autres entreprises, qui elles-même peut-être, produisent biens et/ou services totalement dénués d’utilité sociale. Le capitalisme est un jeu pour la bourgeoisie (et par mimétisme, pour beaucoup de monde) : la prolifération de startups en est l’exemple le plus tristement drôle. Pour les classes situées en bas d’une hiérarchie qu’on s’efforce de faire respecter en supprimant l’ISF, le capitalisme ressemble plus à un cauchemar.

Le travail a un prix : qu’est-ce qu’on vend quand on travaille ? Si on se situe dans le cadre de l’économie néo-classique, le travail s’inscrit dans la loi de l’offre et de la demande, au même titre par exemple, qu’un kilo de pommes. La réalité est différente, mais je pense qu’il s’agit d’un bon point de départ pour comprendre déjà que quand on travaille, on vend quelque chose. Le travail est si normalisé, qu’il me semble qu’on oublie ce point là, pourtant à mon avis crucial pour comprendre la relation de travail – théoriquement, et telle qu’elle est.

J’estime que la chose que l’on vend lorsqu’on travaille, c’est son temps. Le temps est la chose la plus importante qui nous soit donnée dans notre existence. En fait, le temps est un synonyme d’existence. Puisque la seule limite que connaît la vie est la mort, et que la mort se définit par la cessation de la vie, il semblera à chacun qu’il est important de bien allouer son temps de vie, afin d’accomplir son existence. Travailler, c’est donc vendre des morceaux de son existence.

La classe qui a besoin de travailler pour exister, se trouve donc à brader des morceaux de son existence pour la perpétuer. Tout en se la raccourcissant puisque le travail est à l’origine de nombreuses maladies, problèmes osseux, etc, qui affectent son espérance de vie. Le problème posé en ces termes suggère donc une autre réponse à la question faut-il travailler.

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