sombreur

dépression

Ma dépression, engagée il y a très certainement au moins un an, a été un facteur décisif de changement de ma personnalité, étonamment positivement. La dépression, expression la plus pure du doute métaphysique, mine et modèle en profondeur les personnalités déjà établies : chacun des comportements est inconsciemment remis en cause, puis transformé, soit positivement, soit négativement. Quoi qu’il en soit, on ne ressort pas inchangé d’une dépression ; on ne reste pas le même après avoir connu la tristesse.

Je ne sais rien, je ne suis rien

L’un des premiers enseignements de ma dépression se résume en ce titre : je ne sais rien, et je ne suis rien non plus. D’une part j’ignore tout (je suis incapable de dire ce qui se passe dans mon propre corps à cet instant, je suis tout aussi incapable de décrire ma journée d’aujourd’hui – puisque je suis incapable de remonter le flux de mes pensées, et d’expliquer ainsi pourquoi j’ai fait telle chose à tel moment ; je ne suis capable que d’énumérer les conséquences – c’est-à-dire mes actes –, mais pas d’en trouver la cause) ; d’autre part je ne suis personne, puisque le monde ne s’arrête pas à ma personne et que je suis incapable d’évaluer le nombre de personnes qui existent à cet instant.

Mes convictions n’ont pas d’utilité

Puisque je ne suis personne et que je ne sais rien, alors mes choix d’action (par exemple, ne pas manger de viande), ne sauraient engendrer un changement des mentalités. Je pense que l’Histoire a un sens qui nous est fatalement imposé (nous sommes impuissants face aux drames qui secouent ce monde : réchauffement climatique, terrorisme, etc.), même si on n’est pas d’accord et qu’on aimerait que l’Histoire prenne un autre chemin.

Ce constat étant fait, il convient de réfléchir désormais de manière rationnelle. Je ne pense pas que les industriels, voyant que 1% de la population a cessé de manger de la viande, réfléchiront aux conséquences éthiques de la production de viande animale. Je ne pense pas qu’ils se mettront à cesser leur production et à relâcher toutes leurs vaches dans la nature ; ils ne le feront pas parce que ça rapporte de l’argent, et que de toute manière, ils s’en foutent.

On pourrait me répondre qu’il faut alors collectivement cesser de consommer de la viande ; cela reviendrait donc pour moi à redevenir végétarien, puis à tenter de convaincre les gens autour de moi que j’ai raison. Cela, je me le refuse. D’abord parce qu’il est acquis que je ne sais rien ; ensuite parce que je n’ai aucun intérêt personnel à perdre mon temps à tenter de convaincre les autres ; également, parce que je pense que les seuls changements d’ampleur possibles aujourd’hui seront ceux produits par la loi, et qu’on ne va pour l’instant pas dans le sens d’une avancée pour la cause animale. Enfin, rationnellement, sur mon existence espérée à quatre-vingt ans, il semble que j’ai tout intérêt à maximiser mon plaisir en mangeant du poulet, plutôt que de m’en abstenir et de faire chier tout le monde.

Continuer d’exister quand on n’est personne

Pourquoi aurait-on envie de mener une vie où l’on est personne ? La question se pose. On peut choisir qu’il n’y a pas de raison de la mener, ou on peut accepter la fatalité du sort qui s’abat sur nous : je suis bel et bien en vie, et ce jusqu’à ma mort. Il me faut donc faire quelque chose entre ma naissance et ma mort. Personne ne peut dire ce qu’il convient de faire ou de ne pas faire durant sa vie. Il n’y a pas de vie-cible. Il n’y a pas de vérité absolue, il ne peut donc pas exister une vie absolue, une vie à atteindre, et tous les parcours sont à la fois singuliers et critiquables.

Il faut donc trouver un moyen de maximiser le plaisir de la vie ; tourner la fatalité de notre existence en paix de l’âme. Pour obtenir la paix de l’âme, il faut faire un travail de réflexion visant à se poser la question quel est le sens de l’existence ?

La réponse n’a pas d’importance, mais il me semble que le cheminement que fait cette question, à la fois simple et infiniment complexe, permet d’atteindre la paix. C’est à mon avis en questionnant la réalité d’être qu’on parviendra à mener son existence. Cela passe par beaucoup de philosophie morale, par une attention portée aux choses du monde, ainsi qu’aux individus qui le peuplent.

Il ne me reste qu’à être bienveillant

La bienveillance, je la définis comme une disposition générale à accueillir de la manière la plus empathique possible les relations que j’entretiens avec les autres. Ca peut vouloir dire “être gentil”, mais pas forcément. Une attitude bienveillante est une attitude positive aux nouvelles rencontres : il s’agit d’avoir un a priori positif sur les gens que l’on croise, que l’on rencontre, en mettant en excerbe notre point commun fondamental : nous sommes des êtres humains et par conséquent, nous vivons nos existences de façon très similaire.

Si en revanche, la personne que j’ai en face de moi n’a pas une attitude bienveillante, par exemple si elle est carrément malveillante, hostile, il n’y a pas de raison d’être particulièrement empathique avec elle. Il conviendra alors de faire preuve d’une honnêteté mesurée : expliciter le problème, sans en rajouter. Si un chemin vers la résolution du conflit semble s’ouvrir, et qu’aucune des conditions de cette résolution n’est désintégreante pour l’individu que je suis, il faut nécessairement l’emprunter. S’il n’y a pas de chemin de résolution du conflit, ou qu’une des conditions est désintégreante, c’est-à-dire qu’on me demande de ne pas être moi-même, alors il conviendra de devenir à notre tour, soit neutres, soit au maximum, hostile. Il ne sert à rien d’être malveillant.

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